Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/108

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que M. Töpffer encourage d’ailleurs du conseil et de l’exemple. Il est convaincu en effet que c’est à forger que l’on devient forgeron ; que tout croquis passable ne saurait être que le cadet de mille aînés difformes ; que c’est inévitablement par une longue suite d’amusants essais que l’on parvient à se faire sa petite manière de s’y prendre pas trop mal, et qu’après tout, en rien il ne faut imiter ceux qui ne veulent pas entrer dans l’eau avant de savoir nager. Les arts fleurissent donc, et à chaque halte huit ou dix crayons s’occupent d’enserrer sur la page d’un petit livret les sublimités des grandes Alpes. On dirait un fumiste qui met les nuages en bouteille.

Autre phénomène particulier à cette excursion-ci : nous partons un dimanche et à la mi-journée, par un ciel tout endimanché d’azur et tout frais de brise légère. D’ailleurs entière sécurité, car nous nous trouvons être à bord du Léman, ce navire sage et posé, qui ne trempa jamais dans aucune rivalité d’heures ni de vitesse ; qui d’ailleurs, replet et asthmatique, songe bien plutôt à faire tranquillement sa petite promenade quotidienne qu’à aller se mettre à courir après quelque écervelé que ce soit. Nous y trouvons grande compagnie. Un professeur, un municipal, trois grosses Allemandes, un Français rousset, des Anglaises, une société de vieilles demoiselles et quelques spécimens de ces messieurs essentiellement barbus dont, à les voir du moins, ou ne devine ni s’ils sont des conspirateurs réchappés, ni s’ils sont des sapeurs en habit bourgeois, des artistes célèbres, des carbonaris occultes, des poëtes incompris, des