Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/124

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

spirituellement choisi de ce progrès qui assiège tout, jusqu’aux cascades. Las et altérés que nous sommes, nous ne laissons pas que de demander chopine à cette scierie, et d’emblée un brave scieur nous répond qu’il va nous servir sur la marge même du torrent, où, nonchalamment étendus et les cocos tout préparés, nous attendons avec impatience de pouvoir rougir de vin l’onde trop fraîche pour nos sueurs… Au bout d’une demi-heure, le brave scieur reparaît : « Le commissaire Nicolier ne voulions pas ! » s’écrie-t-il ; et pour justifier ce refus du commissaire Nicolier, il se met à expliquer toute la législation du Valais concernant le vendage des liqueurs et spiritueux. Ceci ne nous désaltère pas du tout, aussi nous repartons enroidis, clopinant, l’estomac creux et la bouche sèche, pour éprouver bientôt ces démoralisations qu’au reste on n’évite guère à quelque heure de la journée que l’on parcoure ces trois lieues de route plate, monotone et poudreuse qui séparent Saint-Maurice de Martigny. En preuve de ceci nous dirons que M. Töpffer, par exemple, qui a bien fait vingt fois ce chemin, en est à y reconnaître ses coins à s’étendre et ses retraites où gémir, aussi sûrement qu’une haridelle de patache reconnaît les tavernes de son cocher et ses halles à picotin. Une scierie donc manquait seule à cette route sciante, et l’y voilà.