Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

retirée dans une chambre basse, essaie de s’y faire du feu avec des feuilles vertes et des gaules mouillées ; elle n’obtient que des fumées atroces, au milieu desquelles Poletti s’assied sur quelque chose qui se met à crier de toutes ses forces : c’est un moutard. La femme accourt, on berce à toutes volées ; le négus entre, cocos, verres, écuelles, pots, vases de toute sorte, sont mis en réquisition, et chacun, au milieu de ce pittoresque vacarme, ne laisse pas que de s’abreuver à longs traits d’un négus doux, parfumé, bouillant, incomparable. Quant au moutard, il ne dit plus rien, mais d’autres éclatent, à droite, à gauche, dans les paniers et sur les armoires ; car la maison en est pleine, et c’est l’industrie de ces gens que de les y élever à la douzaine. Voici comment ils s’y prennent : c’est fort simple ; ils pendent le moutard à un pis de chèvre ; quand il est plein comme une outre, ils le fourrent dans un panier, et s’en vont aux champs.

Ainsi lestés et réchauffés, nous commençons à gravir le col de la Seigne. Le sentier est facile, si l’on consent à en suivre tous les zigzags ; mais la rampe, d’ailleurs gazonnée, est roide, si l’on prétend l’escalader en ligne directe. M. Töpffer, qui vient de s’y engager, s’en repent déjà amèrement. En effet, errant à la façon d’une âme en peine, il ne parvient à fuir le vertige d’un côté que pour le retrouver de l’autre, jusqu’à ce qu’enfin il ait atteint un petit replat profondément fangeux ; d’où il ne