Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/192

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en observant que nos jeunes compagnons se trouvent presque toujours plus à l’abri du vertige que nous ne le sommes nous-même, il nous est arrivé de penser qu’élevés pour la plupart à la campagne, où les jeunes garçons rencontrent tant d’occasions d’aguerrir leur tête et leur œil, ou bien formés de bonne heure au moyen des exercices de gymnastique non-seulement à déjouer par l’adresse le péril là où il est, mais surtout à ne s’en point créer d’imaginaires là où il n’y en a réellement pas, ils devaient à l’un ou à l’autre de ces avantages, dont nous avons été dépourvu, d’aborder le plus gaiement du monde et sans aucune préoccupation de danger des passages où, nous-même, nous ne nous engagions pas sans crainte. Parents, laissez donc vos fils grimper sur les arbres ; à défaut, envoyez-les fréquenter les exercices gymnastiques. Ainsi, et ainsi seulement, outre tant d’autres avantages, ils auront gagné celui d’éviter en mille rencontres le roulement, la prétantaine et la flageole, trois misères aussi ridicules que détestables.

Cependant, de mamelon en mamelon, nous touchons au sommet. Vingt fois la mule semble prés de rouler dans le précipice et d’y emporter notre épaule… ; aussi le forgeron ne parle-t-il qu’avec effroi de deux dames anglaises qui, il y a quelques jours, refusèrent de mettre pied à terre pour descendre cette rampe. « Braves femmes, dit-il, et le bon Dieu les bénisse !