Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/273

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du lundi, qui ramène les ouvrages, fait trêve à ces entretiens avant que la satiété soit venue, avant que l’esprit de dispute ait eu le temps de naître. Et pourtant ces hommes ont leurs opinions aussi, mâles, instinctives, liées à leurs croyances, à leurs affections et à leurs coutumes ; ils tiennent pour le clergé, pour la noblesse, pour l’ancien gouvernement, et c’est très-sérieusement que le président Favre nous signale parmi eux ce que lui, qui est du côté du mouvement, appelle des aristocrates. Des aristocrates ! Jamais, certes, nous n’en avions vu de cette figure ; tous, jeunes et vieux, femmes et enfants, vêtus de pauvre bure, chaussés de gros sabots, qui passent le jour à briser les mottes, à éparpiller le fumier, à remuer, à engraisser sans relâche la lande ingrate dont ils se contentent !

Rayat le bleu est poëte, tout au moins il sait par cœur des adages rimés. Aussi, en reconnaissance des enseignements que lui a donnés le président, il s’est mis en tête de lui enseigner à son tour quelque chose de rare et de distingué. Par malheur, à chaque fois que Rayat le bleu s’efforce de proférer la chose, ses maudites crevasses nasales en engloutissent les trois quarts, et c’est tout à recommencer pour n’obtenir pas mieux. Il faut à la fin que Rayat le vert se dérange de ses rongements, plante là ses amertumes, tout exprès pour venir mettre un terme à cet avortement sans