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et paisible, dans la terre de Tannenbourg, auprès de son père, lequel avait été blessé dans une guerre sanglante. Kühnrich, un fier et terrible chevalier de la même contrée, l’avait connu dans sa jeunesse à la cour du duc ; plus tard, il s’était rencontré à la guerre avec Edelberf, et il pensait avoir été offensé par lui en quelque occasion de peu d’importance. Ayant appris par les perfides complices de ses vengeances que le chevalier Edelbert vivait seul dans son château de Tannenbourg, il y pénétra tout armé, enchaîna l’infortuné Edelbert et ses deux plus fidèles serviteurs, et il les emmena dans son château de Fichtenbourg pour les y laisser languir jusqu’à la mort. Rosa, arrachée à sa demeure paternelle, s’enfuit, abandonnée à la protection de Dieu. Après avoir parcouru, seule et orpheline, sa sombre vallée de Tannen, elle trouva enfin un vieux charbonnier nommé Burkhard qui lui offrit avec charité un misérable asile. C’est là que Rosa passa quelque temps, songeant en elle-même au moyen d’adoucir la douloureuse captivité de son père.

Enfin il s’offrit une occasion pour Rosa d’entrer au service du geôlier de Fichtenbourg. La noble fille, cachée sous les vêtements qu’elle avait portés chez le charbonnier, supporta les mauvais traitements et l’humeur grossière de la femme du geôlier, et elle parvint enfin jusque dans la prison de son père, dont les souffrances furent allégées en quelque degré par les tendres soins de Rosa. Celle-ci, obéissante aux conseils du vieillard, fit du bien même à leur cruel ennemi, et elle sauva au péril de sa vie le jeune Eberhard, fils de Kühnrich, qui s’était laissé choir dans un puits. Sur ces entrefaites, le terrible chevalier s’étant engagé avec plusieurs de ses compagnons d’armes dans une guerre contre un prince voisin, les amis d’Edelbert voulurent profiter de cette circonstance pour le délivrer. Mais leur entreprise ne réussit point. Kühnrich, de retour de la guerre, et encore plus irrité qu’auparavant contre Edelbert, à cause de la tentative de ses amis, résolut de se débarrasser de lui, et le jour de son exécution fut fixé.

Cependant ce fier chevalier, dans un mouvement de son orgueil qu’il ne savait jamais maîtriser, avait promis à la fille supposée du charbonnier de la récompenser magnifiquement et de lui accorder telle grâce qu’elle désirerait obtenir. Rosa alors déclara sa naissance, et demanda que son père prisonnier et condamné à mort fût rendu à sa tendresse filiale, ce qui lui fut enfin accordé, ainsi que la délivrance des deux fidèles serviteurs.

Puisse cette représentation atteindre son but et inspirer à la fois aux