Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/343

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vers le naturel : — Descends voir chez la Pernette, à Maglan. Elle t’indiquera où est son homme le notaire ; tu iras le quérir pour qu’il monte ; après quoi, tu tires sur Saint-Martin, où tu trouves Benaîton le marguillier, qui y est, bien sûr, puisqu’il sonne aujourd’hui la noce pour les Chozet ; tu lui dis qu’il monte de même. Et que le notaire apporte l’écritoire, la nôtre s’est répandue mardi à la veillée, et aussi le papier timbré. Va, mon garçon, fais diligence ; avec les honnêtes gens on compte après, et on n’y perd rien. Va, et en passant à Veluz, dis à Jean-Marc que sa cavale a la morve, et qu’on lui a mis les feux ; mais que l’automne la refera. Va.

— Qu’il aille au diable ! et Jean-Marc, et sa cavale, et vous avec !… Magistrat stupide ! misérables sans humanité !… Ou bien, tenez, déliez-moi, et je vous donne un louis d’or à chacun.

À cette proposition, le naturel, qui s’était déjà mis en chemin, s’arrêta court en ouvrant de grands yeux de concupiscence. Mais le syndic : — Vous payerez les écritures et les frais, et vous baillerez, par après, un pourboire à volonté : s’il est fort, quiconque ne veut s’en plaindre ; mais pour ce qui est d’acheter le monde par avance, vous mettriez louis d’or sur louis d’or, que ça n’y ferait rien. Savez-vous qu’on est syndic de la commune de père en fils, depuis Antoine-Baptiste, mon ancêtre, et qu’avant qu’on se donne une tare l’Arve n’aura plus d’eau ? Vas-tu, toi ! cria-t-il au naturel. Prenez patience, ajouta-t-il en me quittant, je vas vous quérir une chopine de rouge, qui vous veut réconforter des mieux.

C’est ainsi que la désolante mais méritoire honnêteté de ce bonhomme me fut aussi contraire que son respect pour les formes. Je demeurai de nouveau seul, et,