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Page:Tremblay - Arômes du terroir, 1918.djvu/60

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ARÔMES DU TERROIR


Quand la ville mourrait, quand toutes ses usines
Effriteraient leurs murs aux sueurs assassines
Sur d’informes débris par la flamme lavés ;
Quand ses riches manoirs crouleraient en ruine
Sans rien laisser au poissement de la bruine
Qu’un peu de leur poussière embuant les pavés ;
Quand le palais-théâtre et ses lambris à fresque
Tomberait dans l’égoût qui le déborde presque ;
Quand le temple, trouant l’azur silencieux
De ses accents d’airain qui parlent dans les cloches,
Verrait dans son vaisseau la mousse sur les roches,
 Le blé pousserait vers les cieux.

Mais le village reste et règne sur le Monde,
Son sceptre est le froment que le soleil inonde,
Sa couronne est de fleurs, et son glaive est un soc,
Il donne avec la paix l’amour créé pour l’homme,
Les grandes libertés dont la joie est la somme,
Il impose à la source une assise de roc,
Et veut qu’elle lui verse, en écoulant ses perles
Dans le bois abritant les pinsons et les merles,
Sa fraîcheur pour les nids, ses ondes pour le pré ;
Il est plus près du Ciel, ayant la foi naïve,
Et ses vœux vont plus haut, lorsque la nuit pensive
 Éteint l’horizon empourpré.