Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/539

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Ce n’est pas un bien productif qu’une maison, c’est une commodité dispendieuse. Sa valeur est principalement celle du capital employée la bâtir ; son loyer n’est en plus grande partie que l’intérêt plus ou moins fort de ce capital ; et le capital, ainsi que l’intérêt qu’on en retire, étant périssables par la nature même de la maison, une famille qui ne tire sa subsistance que de cet intérêt n’est pas une famille fondée dans l’État. Elle n’y est qu’à terme et à poste. Elle n’y peut durer que le siècle que durera la maison ; et si, pendant le cours de ces cent années elle n’a pas acquis ou économisé un nouveau capital égal au premier pour reconstruire un autre bâtiment, elle n’a plus d’existence qu’en raison de la valeur du terrain qui lui demeure. C’est donc à la valeur du terrain que se réduit le véritable et solide lien du propriétaire de maisons à la patrie, son véritable moyen de faire subsister ses enfants, son véritable droit de cité. Cette valeur, quoique infiniment moins grande que celle des bâtiments élevés sur ce terrain, se mêle avec la leur, et entre en raison de sa proportion dans le prix des maisons qu’on achète. De sorte qu’on peut estimer que des loyers de maisons, partie est relative au loyer du bâtiment même, et partie à celui du terrain sur lequel il est assis. Louer son terrain, ou l’employer pour y bâtir des maisons, ou pour y placer des chantiers, ou pour tout autre usage de ce genre, est une manière de faire valoir son bien, qu’on ne préfère à la culture que parce que les circonstances locales rendent cette préférence plus avantageuse pour le propriétaire ; et comme il ne serait pas juste de le priver du droit de cité que peut lui donner le revenu qu’il tire de cet emploi de son terrain, il ne serait pas juste non plus que cette préférence qui lui fait trouver le moyen de posséder une voix de citoyen sur le plus petit espace possible de terre, ne la laissât pas soumise aux contributions sociales comme les autres voix de citoyen.

Au reste, la difficulté qu’il peut y avoir, dans le loyer des maisons, à discerner, d’avec l’intérêt des capitaux employés à la construction, le revenu réel de la propriété foncière, semble devoir porter à ne pas attribuer dans les villes la voix de citoyen à un certain revenu, mais à un certain capital déterminé en terrain. Cette valeur du terrain est connue, et différente dans les différents quartiers. Elle est fixée par la concurrence des entrepreneurs qui se disputent ces terrains pour y élever des maisons, des magasins, des hangars, et pour y placer des ateliers, des jardins.