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de pareils. Le peuple est aussi curieux de le voir qu’on l’était de voir l’empereur. Il se prépare à retourner à Ferncy ; mais il compte revenir l’hiver, et a acheté une maison dans la rue de Richelieu.

Je vous remercie de la Traduction d’Orphée. Cela m’a fait rechercher mon allemand, que j’ai bien oublié. L’exactitude de cette traduction est vraiment incroyable, et serait pour nous autres Français une chose physiquement impossible, même en prose. Reste à savoir si les Allemands n’y trouvent rien qui blesse le caractère de leur langue.

Ces vers me paraissent plus agréables que ceux de Klopstock. Je ne puis cependant m’empêcher de regretter les spondées et la coupe virgilienne. Les spondées et l’emploi des longues sont un des secrets de l’harmonie de Virgile ; et le vers, qui n’est point coupé au milieu des pieds, manque absolument de grâce à mon oreille : il n’est tolérable que quand ce défaut de coupe devient utile à l’harmonie pittoresque, c’est alors une dissonance placée à propos.

Je suppose que les Allemands ne peuvent pas mieux faire ; en ce cas, notre prosodie a de grands avantages sur la leur, puisque notre vers métrique peut revêtir toutes les formes virgiliennes.

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L’abbé Rochon, de l’Académie des sciences, a trouvé un moyen très-ingénieux de faire servir la double réfraction du cristal d’Islande à la mesure des plus petits angles. Il a déterminé par ce moyen les diamètres des planètes à un dixième de seconde près, tandis que, par les méthodes ordinaires, on peut à peine répondre d’un angle à cinq secondes près. Ce moyen est si précis, qu’on peut, sans triangles, et en pointant directement sa lunette sur une base connue de quelques pieds, mesurer à terre des distances de trois mille toises, avec beaucoup plus de précision qu’il n’est possible de mesurer aucune base sur le terrain ; en sorte qu’on peut lever toute carte sans quart de cercle et sans base, mesurée sur le terrain. On n’a pas même besoin, pour mesurer les distances médiocres avec une précision suffisante pour l’usage, de connaître la base à laquelle on pointe : en répétant l’opération, en s’éloignant de la base d’une quantité connue, on trouve, par un calcul très-facile, et la mesure de la base, et la distance où l’on est. Je vous enverrai l’ouvrage qu’il va publier à ce sujet, aussitôt que l’impression en sera terminée.

Pour multiplier les instruments de ce genre, il faut avoir du cristal d’Islande, et autant les morceaux, petits, irréguliers, d’une transparence louche ou interrompue, sont communs, autant est-il rare d’avoir des morceaux d’une belle transparence, et assez considérables pour qu’on puisse y tailler des prismes d’une étendue suffisante pour remplir le champ des plus grandes lunettes.

Vous êtes à la source du cristal d’Islande, et vous ne pouvez nous en envoyer en trop grande quantité, ni des morceaux trop gros, et trop choisis pour la transparence. Il ne faut pas même que des défauts considérables vous arrêtent ; c’est l’affaire de l’ouvrier de diriger sa coupe de façon âne pas renfermer ces défauts entre les faces de son prisme.

Vous ferez vraiment une chose utile au progrès des sciences de vous occuper de cet objet avec ardeur, et de nous envoyer successivement ce que vous pourrez rassembler de ce cristal. Si, comme il y a grande apparence, la guerre se déclare entre la France et l’Angleterre, je vous prie de prendre des voies sûres, et de préférer la voie de terre, bien entendu que le cristal ne sera point exposé aux cahots qui le feraient éclater. Les morceaux particuliers peuvent