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heureux avec M. de Vérac, et surtout que votre santé ne souffre pas du séjour de la Hesse. Vous devez à présent être profond dans la littérature allemande et dans la politique. J’ai vu M. Simonin, chargé du dépôt, qui est très-bien disposé pour vous, et avec qui vous ferez fort bien de vous lier, si vous venez à Paris passer quelque temps. Vous pourrez quelquefois lui adresser des paquets médiocres pour moi sous l’enveloppe du ministre. Je ne vous écris pas assez souvent pour vous mander des nouvelles ; il n’y en a pas d’ailleurs de fort intéressantes. L’abbé Delille sera élu jeudi de l’Académie française. Il me reste encore quatre-vingt-six vers de Didon à traduire ; je n’en ai traduit que cinquante depuis votre départ. Adieu, mon cher Caillard : tous vos amis de Limoges et de Paris se portent bien. L’arch. d’Aix et Mme de Boisgelin sont encore à Aix.


Lettre XX. — Au même. (À Paris, le 5 mai 1774.)

J’ai reçu, mon cher Caillard, vos deux lettres du 27 mars et du 1er avril, cette dernière par M. de Veltheim, que je n’ai encore vu que deux fois, quoique nous nous soyons cherchés plusieurs fois. Il me paraît doux et honnête, mais nous n’avions point assez causé pour que je puisse juger de l’étendue de ses connaissances. Il a dîné une fois chez Mme d’Enville, mais je n’y étais pas. J’espère que nous ferons plus ample connaissance par la suite. Ce moment-ci n’est pas favorable ; la maladie du roi tient tous les ministres étrangers à Versailles. Hier l’état du roi a été assez critique ; il est dans le temps le plus fâcheux, celui de la fièvre de suppuration. Il sait qu’il a la petite vérole. On croit qu’il recevra ses sacrements ce matin. Mme du Barry est à Ruelle, chez M. le duc d’Aiguillon, depuis hier à 4 heures. Le roi le lui avait proposé lui-même.

Je ne vous envoie pas les Mémoires de l’académie de Turin, que vous m’avez demandés pour le général Schlieffen. Je ne sais si le 4e volume est arrivé, et M. de Condorcet est actuellement en Picardie. À son retour, je ferai votre commission. Je ne me rappelle pas si votre observation de la lumière zodiacale a été dans la Gazette de France, mais la circonstance d’avoir été vue le même jour, en deux lieux très-éloignés, la rendrait bien plus intéressante, si dans chaque lieu on avait observé avec attention ses limites et les étoiles qui en dessinaient le contour aux différentes heures de l’observation.

J’ai remis vos observations sur les pierres de Weissenstein à M. Desmarets, lequel a été, ainsi que moi, très-content. Il vous fait, ainsi que M. Delacroix, mille compliments.

On m’a dit qu’il était décidé que M. de Vérac allait à Naples : c’est un compliment à lui faire, et à vous encore plus qu’à lui, car vous aurez un bien grand plaisir à voir ce que vous n’avez pas vu de l’Italie, et à habiter le plus beau des climats. J’espère que vous n’y vivrez pas moins heureux qu’en Allemagne, et que vous n’irez pas du nord au midi sans passer par Paris.

Ce voyage fera peut-être tort à votre projet d’écrire sur les corvées de la Hesse. J’imagine que ces corvées sont des corvées seigneuriales, et sont par conséquent censées tirer leur origine d’une convention libre, c’est-à-dire de la condition sous laquelle ou la terre ou certaines franchises ont été concédées aux vassaux, ce qui rend la question plus susceptible de doute, en ce que l’intérêt du corvéable n’entre plus dans la solution comme élément direct, mais seulement en tant qu’il est inséparablement lié avec l’intérêt de