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— Non, plus du tout, riposta l’ex-voîeur avec conviction.

Quand René aperçut son protégé transformé, il eut un geste de surprise. Ce n’était plus le chemineau hirsute. Sa figure rasée, ses cheveux coupés et l’expression de douleur attendrie de ses yeux, lui donnaient un aspect de sympathie agréable. Il saisit la main de son bienfaiteur, la pressa sur ses lèvres malgré l’effort de celui-ci pour l’en empêcher et dit la voix tremblante :

— Vous êtes mon sauveur ! ce que je vous dois dépasse encore ce qui est visible...

Mlle Nicole approuva la charité de son neveu, le pauvre garçon lui plaisait, elle lui trouvait l’air franc et ses façons lui paraissaient correctes. Il fit aussi la conquête des servantes.

— Ce qu’il a changé, constatait Denise, c’est comme une couleuvre qui fait peau neuve.

Et les trois serviteurs, à midi, l’admirent à leur table.

IV

LA SŒUR DU CRIMINEL

René Semlel était vraiment heureux de la rencontre tortuite du voleur régénéré. Quand il avait vu au couvent la sœur du criminel se jeter dans ses bras et tous les deux pleurer d’émotion, il s’était dit : La grâce divine prend tous les chemins. Je suis bien content de m’être trouvé à point sur la route que suivaient jadis les martyrs pour s’en aller au ciel. Cet homme n’a eu qu’un écart, je l’ai redressé, nul ne saura son aventure, même si les deux dames lézées par lui le rencontraient, elles ne le reconnaîtraient pas. Quelles sont ces dames ? J’aimerais à le savoir, mais comment ? Jolies, élégantes, de manières aisées, elles sont d’un milieu non vulgaire. René songeait souvent ainsi depuis deux jours, lorsque le religieuse l’interpela :

— Monsieur, lui dit-elle, mon frère me dit combien vous êtes généreux pour lui. Ma reconnaissanse égale la sienne. Je prierai pour vous, Monsieur.

— C’est moi qui serai votre obligé, ma soeur. A présent, il faut trouver une situation pour Charles afin qu’il puisse vivre de son travail.

— Je le pensais. Monsieur. Depuis qu’il a quitté le régiment, il a été malade et n’a rien pu faire. A présent, je sais qu’il y a ici une place de jardinier à prendre. Notre Mère