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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/158

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bute dans un buisson aux tentacules tièdes ; impossible d’avancer. Le lichen a-t-il subitement bloqué le passage ? Mais non ; le sentier oblique pour prendre le milieu des rails de gauche.

Nous allons entre deux confuses murailles hérissées, pleines de crépitements, qui nous montent jusqu’aux épaules. En haut, il pend des stalactites dont les pointes nous frôlent ; mes bras et ma poitrine heurtent des tentacules tièdes et spongieux, les petits cèdent élastiquement, les plus gros pètent… Et l’homme qui me précède n’est pas à cinq mètres ! La folle poussée de vie s’accélère toujours. Dans un cauchemar funeste, je marche sans espoir, luttant contre le niagara d’air qui nous fouaille, remorquant Aurore muette, haletante, trébuchante, à travers cette grotte vivante, cette sylve enchantée qui s’efforce sournoisement, à nous barrer le passage, à nous bloquer parmi ses frondaisons, à nous ensevelir…

Atteindre la station ! Où est-elle ? On ne voit plus trace de lumières, en avant, pas même un signal. Le tunnel est-il déjà bouché par le lichen ? Non, le torrent d’air prouve que le souterrain reste libre.

Des cris de protestation, des injures derrière nous, se propagent, se rapprochent, une galopade furieuse nous rejoint… Une secousse violente de la main d’Aurore dans la mienne ; et je m’abats avec elle, rejeté de côté par quelqu’un qui nous dépasse, dans les branches de lichen.