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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/171

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levé et habillé, je me mis à préparer ma palette. Une nuit de bon sommeil… inattendu, certes, après ces heures de tourmente… avait rasséréné mon esprit et rendu l’équilibre à mon cœur, en ranimant la confiance en l’avenir et la juste appréciation des valeurs. La partie serait dure à gagner, c’était trop probable, mais mes chances avaient triplé, décuplé, depuis la veille… Bons camarades, en apparence, soit ! pour observer le protocole imposé par Aurore, mais son aveu de la veille me donnait la vraie température de ses sentiments. Dans cette lutte que j’entreprenais pour lui faire partager mon amour, elle était en secret mon alliée.

Cependant, à trop réfléchir avant l’arrivée de mon modèle, je craignais de perdre mon calme et la confiance recouvrée. Lorsque la concierge me monta le courrier, avec Excelsior et le Matin, je laissai volontiers bavarder la bonne femme.

Elle me remercia d’abord de mon conseil : depuis qu’elle s’éclairait à la bougie, la loge restait propre et les démangeaisons de son mari avaient disparu. Mais j’étais curieux de savoir ce qu’elle pensait des événements. Elle était renseignée, puisque son mari était wattman au Métro ; mais à ses commentaires, je compris que les accidents de la veille n’étaient tragiques que pour qui y avait assisté. Ces choses-là ne pouvant arriver à domicile, on n’avait pas trop à s’en émouvoir. Pour Mme Taquet, c’était surtout un ennui à cause de la mise en chômage de son homme.