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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/187

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traduisait à mesure pour moi), et ce fut sans doute une des raisons qui m’aliénèrent leurs bonnes grâces. Malgré l’accolade et les protestations de reconnaissance du vieillard (traduites aussi, ce qui les rendait un peu ridicules) et le shake-hand en coup de pompe du Yank, je sentis tout de suite que cela ne « cordait » pas : j’avais beau être le « sauveur » d’Aurore, j’avais capté sa confiance et son amitié ; et pour le père comme pour le fiancé, j’étais aussi l’ennemi, susceptible de gêner l’affection jalouse de l’un, et les plans ou les intérêts de l’autre. Ce sont là de ces prémonitions auxquelles on ne se trompe pas. Aurore dut le sentir aussi, car elle me jeta un regard déçu et peiné.

Luce, également présentée à eux dans le coin des intimes, considérait avec une admiration évidente Lendor J. Cheyne, qui lui opposa d’abord sa traditionnelle insensibilité aux hommages féminins. Mais il se dégela quand elle se mit à lui parler en anglais, de près et d’une voix contenue mais avec chaleur.

Je compris tout juste le mot « businessman ». Comme je regrettais mon ignorance ! À la mine intéressée du Yank, à la volubilité de Luce et à son sourire conquérant, je devinais qu’il se disait là, à portée de mon ouïe, des choses considérables ; mais je ne soupçonnais pas l’importance que devait avoir sur mon propre avenir l’accrochage de ces deux êtres. Luce resplendissait de la perfection de beauté qui lui vient quand elle parle affaires. Le Yank laissa paraître un peu d’inquiétude, en