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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/212

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— Je ne sais pas si c’est une mesure générale, mais on nous a coupé le courant dans ce quartier-ci. Nous avons pu ainsi nous nettoyer du lichen ; mais c’est vexant de voir mes lampes intactes en apparence, de les savoir prêtes à fonctionner, et d’être obligé de me servir d’éclairs au magnésium pour prendre un cliché… Il est vrai que j’en prends de moins en moins ; les clients ne viennent plus. On ne sait pas ce que l’avenir réserve ; chacun s’abstient !…

Le premier soin de ma tante fut de s’informer avec sollicitude de son invitée de l’autre soir, qu’elle appela bonnement « cette demoiselle si gentille » ; son second, de m’offrir à « goûter » suivant la coutume des Flandres qu’elle observait encore après vingt-cinq ans de Paris, avec du café au lait, des tartines beurrées et du pain d’épice.

La salle à manger était encombrée de boîtes de conserves et de sacs de haricots, pois, lentilles, etc. Je m’étonnai de cette abondance.

— Vous vous attendez donc à soutenir un siège, ma tante ?

— Hé, mon petit, tu ris, mais il faut s’attendre à tout, avec cette vilaine histoire. Je crains en tout cas la disette. Suppose que les arrivages ne se fassent plus ? Déjà ce matin on a manqué de lait. Et dans les épiceries !… Chez Potin, une queue de trois cents personnes… comme à la mobilisation en 14… Les prix ont augmenté, presque partout. Mais j’ai réussi, chez un petit épicier où