Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/235

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flot mou les rues à la circulation raréfiée, d’un rythme nouveau. Les habituels bruits harassants de l’immense troupeau mécanique, avec ses coups de cornes et ses moteurs, avaient presque disparu ; il fallait se réhabituer au roulement des roues ferrées et au claquement des fers de chevaux sur l’asphalte ou le pavé de bois. Calèches, tilburys, charrettes anglaises, coupés, landaus, victorias : tous ces noms, lus dans le Larousse illustré, sortaient des oubliettes de la mémoire, pour étiqueter les véhicules antédiluviens trottant un allègre six à l’heure. Quelques autos, pourtant, de la police, à moteur hermétiquement blindé et stérilisé par des procédés spéciaux, attestaient, avec les rondes multiples d’agents cyclistes en nombre insoupçonné, et là-haut le ronflement des avions à cocarde en patrouille continuelle dans le ciel de Paris, des précautions gouvernementales que rien ne semblait encore motiver dans cette coulée amorphe de foule dominicale, ne sachant que faire de sa liberté. Et on suivait d’un regard approbateur les gros camions à moteur Diésel, sans magnéto, détournés ostensiblement par les grands boulevards et dont la vue rassurait sur la régularité des arrivages aux Halles.

Mais tout cela, ce calme, cette paix, cette obéissance facile et harmonieuse au décret, c’était dans le centre de Paris. Il n’en allait pas de même sur le pourtour de la zone parisienne… aux frontières intérieures nouvelles qui nous séparaient du reste de la France.

Je n’eus le soupçon initial de cette différence que le