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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/236

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premier soir, par les racontars de Mme Taquet, dont le mari avait un camarade engagé comme policier auxiliaire dans la brigade spéciale chargée de vérifier les stérilisations, au départ des voyageurs, en gare de Lyon.

Poussé par l’esprit inquiet et badaud qui avait envahi mon moi décomplété, je résolus d’en avoir le cœur net. Le souvenir me revint de ma vieille bécane, démontée et remisée depuis un an ou deux dans un placard de mon atelier. Je l’en tirai, la remis en état et, le lendemain matin, poussai jusqu’à la sortie de Villeneuve-Saint-Georges, où étaient établis en bordure de la route, avec leurs baraquements, les deux postes nez à nez : l’un, empêchant l’entrée des autos à magnéto imparfaitement blindée dans la zone parisienne, et en face celui assurant, à la frontière de la zone saine, la stérilisation des véhicules et des personnes. C’était un gâchis, un embouteillage de camions et d’autos tel qu’il n’y en eut jamais aux portes de Paris, du temps du bulletin vert, un jour de courses.

Ce fut là aussi, dans une guinguette défeuillée, où je me reposai une heure à boire un verre de vin blanc en regardant couler la Seine, que j’entendis parler des « trafics » coupables des policiers improvisés. Par la route plus encore qu’aux gares, relativement mieux surveillées, quantité de voyageurs partaient de Paris, à la nuit tombée, voire même dans leur voiture maquillée pour simuler un blindage étanche, et pénétraient dans la zone saine, en esquivant la désinfection obligatoire.