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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/289

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cherchent… Plantant là Nathan, je cours au-devant d’elle.

Nous voici face à face, arrêtés, double écueil au milieu du flot qui s’écoule, heurtés par les coudes et par les angles des valises.

Mystérieuse divination de l’instinct féminin et amoureux… Télépathie ? Que sais-je ! Dans mes paroles d’accueil fiévreusement débitées, dans mon serrement de mains, dans mon regard inquiet et avide qui l’implore, qui lui dédie ma pitié à plein cœur, elle a lu la nouvelle affreuse que je malaxais en secret, cherchant de quelle façon lui en offrir le suc douloureux sans trop la faire souffrir.

Elle me reprend les deux mains, qu’elle avait lâchées.

— Gaston ! Que vous est-il arrivé ?… Non, qu’est-il arrivé ? Dites vite ! Ce n’est pas de vous qu’il s’agit ?

La tentation, une demi-seconde, de libérer d’abord ma joie d’amour, prise sous la montagne de tristesse… Pendant que je refoule cette envie, l’autre nouvelle calamiteuse fuse, s’échappe de moi sous la pression de son regard.

— Non, bien-aimée, de vous. De votre père… Il…

Elle se fige soudain, en un calme effrayant.

Elle a vu le biologiste qui nous rejoint, et qui se tient devant elle, le chapeau à la main, sa calvitie respectueusement inclinée. Elle fixe sur lui des yeux ardents. Elle ne veut pas apprendre de moi le malheur qu’elle a deviné, dont elle est à présent intuitivement sûre.