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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/64

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battants de la porte charretière, Alburtin prit place au volant et pressa le démarreur.

Trois tours de roue, et la voiture fut dehors, sur la chaussée, grimpant la côte en deuxième vitesse. Mais nous n’avions pas encore viré au calvaire que plusieurs passants nous saluaient d’un « Bonjour, docteur ! »… entre autres les deux gendarmes.

— Nous voilà repérés ! c’était inévitable, grommela Alburtin, mettant en troisième vitesse.

— Mademoiselle ne peut évidemment pas partir par la gare de Cassis, déclarai-je. Le train ne passe que dans une demi-heure. Avant cela nous aurons dix journalistes sur le dos… Si vous avez une heure de plus à nous donner, docteur, c’est à Marseille qu’il faudrait nous conduire.

— Ça va ! fit laconiquement Alburtin, sans se retourner.

Il y a trois kilomètres de la ville à la gare de Cassis. À mi-chemin donc, au lieu de continuer tout droit, nous tournâmes à gauche par la grand’route qui s’élève en lacets jusqu’au col de la Gineste, à travers des sites grandioses et farouches : ravines aux falaises à pic, pentes pelées de rocs calcaires se découpant sur l’azur cruel. À part moi, je songeais que les paysages de la Lune doivent ressembler à ceux-là. Mais je me gardai bien d’émettre ma réflexion à ma voisine, qui restait silencieuse, absorbée dans la contemplation vague de la route coulant sous nos roues son ruban goudronné.