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Page:Varlet - La Grande Panne, 1930.djvu/70

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par la précaution des reporters !… J’appelle le garçon, je paye et nous partons, tandis que l’homme resté seul à la quatrième table va pour se lever et se rassied avec un geste de dépit.

Au bout de cent mètres de marche rapide, nous tournons dans la rue Saint-Ferréol et ralentissons.

Aurore me prend un instant le bras et le serre dans un geste spontané de reconnaissance,

— Oh, merci, Delvart ! Vous êtes gentil.

Cette familiarité amicale, tombant sur mon irritation de la voir garder des secrets avec moi qui me ferais hacher pour elle, joue le rôle de détonateur… Tant pis si c’est la gaffe… et au diable le « mademoiselle » ! Bourru, révolté, désespérément affectueux, j’éclate :

— Mais enfin, Aurore, pourquoi avez-vous si peur des journalistes ?… Pardonnez à ma franchise brutale, mais il n’est pas possible… j’ai de vous une trop haute idée pour admettre que ce soit chez vous une question d’amour-propre… la peur mesquine de devoir avouer que votre raid a été moins lointain… que vous n’êtes pas allée jusqu’à la Lune comme le prétend l’article du Marseillais.

— La bonne opinion que vous avez de moi est exacte ; vous ne vous y trompez pas. Il s’agit de tout autre chose que d’amour-propre.

Battus par le flot des passants, nous nous sommes arrêtés devant un étalage de chaussures. Aurore ne sourit plus. Elle me regarde bien en face, de ses grands