Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/782

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critique ? Non. Si elle est de bonne foi, elle reconnaîtra que la solution du problème qu’elle nous demande est impossible. On ne saurait pas plus déterminer l’origine de l’art que celle de la parole. Dans quel siècle, chez quel peuple, l’art a-t-il pris naissance ? Il n’est permis de parler que des siècles et des peuples dont la tradition a conservé le souvenir. Il faut alors ne tenir aucun compte des premiers hommes, ou admettre qu’ils ont vécu à la manière des chrysalides. L’homme est né avec certains appétits, certaines passions, que les arts ont eu mission de satisfaire. À mesure que le contact social s’est opéré, ces appétits, ces passions, se sont développés, et les arts avec eux. Vouloir préciser l’instant où les arts se sont dévoilés, c’est prétendre mettre le doigt sur cet intangible point où finit la nuit et commence le jour. Que de gros traités sur les origines ! que de systèmes divers ! que d’assertions tranchantes ! Qu’est-il advenu de ces édifices qui ont coulé tant de peine à élever ? Tous, sans exception, ont été renversés de fond en comble. Pour ne citer qu’un exemple : les Grecs n’ont-ils pas été unanimement proclamés inventeurs des arts, et les preuves les plus irréfragables ne sont-elles pas venues ensuite démontrer qu’ils n’étaient que les continuateurs des peuples de l’Asie ? La mythologie même, dont les Grecs tiraient tant de vanité, ne s’est-elle pas trouvée consignée dans les livres que l’Inde écrivait des milliers d’années avant que la Grèce ne songeât à l’alphabet ? On s’est imaginé qu’il suffisait d’avoir rencontré en Grèce l’art au maillot,