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peuples, mais qui n’ont pas plus le droit d’être introduits dans le domaine de l’art, que les montagnes de Chang-Epechang et de Piperial, objets de l’adoration des Tartares. On ne peut raisonnablement mettre au nombre des œuvres sculpturales des monuments auxquels n’a point présidé le travail de l’intelligence et de la main.

La sculpture, qui s’adresse, comme l’architecture et la peinture, à l’esprit et aux sens, offrait à l’homme de trop puissants moyens d’exprimer ses sentiments, de transmettre et d’imposer ses idées, pour que, dès le principe, elle ne fût point appelée à jouer un rôle important dans l’histoire de l’humanité. En effet, aussi loin que l’œil peut plonger, on l’aperçoit donnant la main à la religion et à la politique, et leur prêtant un langage d’une énergique éloquence. Les rochers qu’elle taille en pyramides dont la forme ressemble à celle que prend la flamme en s’élançant dans les airs, rappellent à l’adorateur du feu la triple puissance de la divinité, de la création et de la conservation. Les effrayants symboles qu’elle tire des masses de granit et de basalte évoquent dans l’âme des peuples le souvenir de l’autorité terrible qui, dans l’ombre et le silence, veille sur leurs actions, les pèse et les juge.

Partout, en Orient et en Occident, l’art primitif a le même caractère, les mêmes moyens : l’immensité, l’immobilité, l’unité ; le même but : la terreur. L’humanité craignit Dieu avant de l’aimer. Jusqu’au moment où l’intelligence osa s’attaquer au droit odieux du plus fort, le sentiment de l’épouvante