Page:Vasari - Vies des peintres - t1 t2, 1841.djvu/787

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tirent le mouvement et la vie. Certes, les persécutions, les pièges, les dangers, les inquiétudes de tout genre ne manquèrent pas à l’audacieux qui osait braver le courroux sacerdotal ; mais aucun obstacle ne se rencontra si fort qu’il ne pût le renverser, car il avait fait étroite alliance avec l’humanité qui le soutint et l’aida, tant que lui-même il lui demeura fidèle.

Avant de placer l’indépendance sur un piédestal où elle fût visible à tous les yeux, la Grèce aussi avait eu son temps de compression religieuse. De Cécrops à Dédale, c’est-à-dire pendant trois siècles, elle resta immobile, inerte, sous le manteau de pierre dans lequel l’Egypte avait emprisonné ses membres. De Dédale à Phidias, c’est-à-dire pendant dix siècles, elle travailla sans relâche à déchirer son enveloppe fatale. Lorsqu’elle eut effacé les derniers stigmates du carcan égyptien, semblable à la foudre, elle s’élança sur son bourreau, lui jeta à la face ses colères, ses mépris, ses indignations si longtemps étouffés ; puis elle l’écrasa sous son talon comme la meule écrase la grappe, et le balaya dans l’abîme comme l’ouragan balaye la feuille dans le désert. Enfin le pénitent a dépouillé le sac ; enfin l’homme n’est plus le valet du prêtre, il est le maître. Enfin la religion obéit à l’homme et non plus l’homme à la religion ! Que l’on ne crie pas à l’impiété, car s’il en eût été autrement, le peuple qui nous a donné les Phidias, les Polycîète, les Scopas, les Apelle, les Praxitèle, les Ictinus, les Socrate, les Platon, les Périclès, ce noble peuple fût demeuré ignoblement courbé devant les