Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/387

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En ce moment, Clary se précipita vers la fenêtre, et, apercevant la victime de cette manifestation dont elle ne comprit que trop la cause :

« Bridget !… » s’écria-t-elle.

Elle revint vers la porte, elle l’ouvrit brusquement, elle s’élança au dehors, sans même répondre à son père, qui la suivit avec Vincent Hodge.

La foule n’était pas à cinquante pas de la maison. Les clameurs redoublaient. On jetait de la boue au visage de Bridget. Des mains furieuses se tendaient vers elle. On ramassait des pierres pour l’en frapper.

En un instant, Clary de Vaudreuil fut près de Bridget, et elle la couvrit de ses bras, tandis que ces cris retentissaient avec plus de violence :

« C’est Bridget Morgaz !… C’est la femme de Simon Morgaz !… À mort !… À mort ! »

M. de Vaudreuil et Vincent Hodge, qui allaient s’interposer entre elle et ces forcenés, s’arrêtèrent soudain. Bridget, la femme de Simon Morgaz !… Bridget portant ce nom… ce nom odieux !

Clary soutenait l’infortunée qui venait de tomber sur les genoux. Ses vêtements étaient déchirés et souillés. Ses cheveux blancs, en désordre, lui cachaient la figure.

« Tuez-moi !… Tuez-moi ! murmurait-elle.

— Malheureux ! s’écria Clary, en se retournant vers ceux qui la menaçaient, respectez cette femme !

— La femme du traître Simon Morgaz ! répétèrent cent voix furieuses.

— Oui… la femme du traître, répondit Clary, mais aussi la mère de celui… »

Elle allait prononcer le nom de Jean — le seul, peut-être, qui pût protéger Bridget…

Mais Bridget, retrouvant toute son énergie, s’était relevée et murmurait :