Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/142

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récit un morceau pris au Second chant de Gudrun. Comme celui-ci n’est pas traduit dans le volume de Marmier, notre poète s’est donc servi, soit d’une traduction latine de l’Edda, soit de la traduction de Laveleye, si elle est antérieure à son poème.

Avec son entente habituelle de la composition, Leconte de Lisle commence par nous présenter tous ses personnages groupés en un tableau saisissant : le roi Sigurd est mort ; un lourd tissu de laine couvre, du crâne aux pieds, son beau corps couché sur la dalle ; quatre femmes sont là : la Franke Gudruna, l’inconsolable veuve, sanglote ; la reine des Huns et la reine des Norrains pleurent à ses côtés ; seule, la Burgonde Brunild contemple leur angoisse d’un œil sec.

Dans le poème islandais, la première femme qui prend la parole pour consoler Gudrun est sa tante Giaflög :


Je me considère comme la plus affligée qui soit au monde. J’ai perdu cinq époux, deux filles, trois fils et huit frères : seule je survis.


Leconte de Lisle supprime ce discours incolore et le personnage qui le prononce.

La deuxième femme qui conte ses malheurs est Herborg, reine du Hiunenland :


J’ai à rappeler de bien plus grands malheurs. Mes sept fils et mon époux, le huitième, sont tombés sous le fer ennemi dans les pays du sud.

La tempête fit périr, dans les flots, mon père, ma mère et quatre frères ; les vagues brisèrent les bordages de leur navire.