déjà du fond de son âme pour avoir admiré la beauté de son œuvre ; c’est Jésus qui spontanément est venu la chercher, Jésus, c’est-à-dire, dans la pensée de Leconte de Lisle, on l’entend bien, ceux qui parlent en son nom. Elle était naïve et ingénue : ils l’ont séduite par de belles promesses. Sans lui dire d’avance, ni la longueur du chemin, ni la dureté des cailloux, ils l’ont emmenée. Et Ayscha s’est enterrée jusqu’à sa mort dans un noir monastère, dont la tristesse est certaine ; en échange de quoi ? le poète l’insinue, sans le dire expressément : en échange d’une vie future qui est problématique.
Le poème chrétien est devenu anti-chrétien. Les faits
sont restés les mêmes ; la signification en est maintenant
toute différente. Cette fois, le poète n’a point cherché à
rendre l’esprit de la légende qu’il racontait ; c’est sa propre
pensée qu’il lui a fait exprimer. Mais à être détournée ainsi
de son sens primitif, la légende n’a-t-elle pas perdu son
charme ?