Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/228

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bretons à Rennes. À son retour, il trouva Triphyna taillant un petit bonnet et il apprit d’elle qu’avant deux mois ils auraient un enfant. À cette nouvelle, Comorre regarda sa femme d’un air terrible et sortit sans rien dire. Triphyna s’aperçut alors que sa bague était devenue noire : elle comprit qu’un grand danger la menaçait et descendit à la chapelle pour prier.

Au coup de minuit, les quatre tombes des femmes de Comorre s’ouvrirent et les quatre mortes apparurent dans leurs blancs linceuls : — Ton mari, lui dirent-elles, va te mettre à mort ; car il sait par l’esprit du mal que son premier né le tuera ; il nous a ôté la vie quand il a appris de nous ce qu’il vient d’apprendre de toi.

— Comment fuir ? son chien géant garde la cour. — Donne-lui ce breuvage qui m’a empoisonnée, dit la première morte.

— Comment descendre la muraille ? — Avec la corde qui m’a étranglée, dit la seconde morte.

— Qu’est-ce qui me dirigera ? — La flamme qui m’a brûlée, dit la troisième morte.

— Qui me soutiendra ? — Voici, dit la quatrième morte, le bâton qui m’a brisé le crâne.

Triphyna prit le poison, la corde, la flamme et le bâton, tua le chien, descendit la muraille et s’enfuit vers Vannes.

Son mari se mit à sa poursuite. Mais elle lui échappait, parce que sa bague l’avertissait de se cacher dès qu’il approchait. Épuisée de fatigue, elle mit au monde un enfant merveilleusement beau, qui fut saint Trever. Comme elle le tenait dans ses bras, elle aperçut sur un arbre le faucon