Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sieurs fois les chrétiens, qui chaque fois se rallièrent. La nuit sépara les combattants et les deux armées restèrent sur le champ de bataille. Al-Mançour, blessé, attendait tristement dans sa tente que ses généraux vinssent, suivant l’usage, lui faire leurs rapports. Il n’en vit arriver qu’un petit nombre : tous les autres étaient morts ou blessés. Alors, il donna l’ordre de commencer la retraite dès le point du jour. Aux premiers mouvements des Arabes, les chrétiens se rangèrent en bataille ; quand ils virent que l’ennemi repassait le fleuve, ils ne se décidèrent point à troubler sa retraite, tant ils avaient souffert eux-mêmes le jour précédent.

Al-Mançour n’avait pas voulu qu’on pansât ses blessures, et comme elles l’empêchaient de monter à cheval on l’emporta dans une litière. Près de Médina Coeli, il trouva son fils Abdelmélik, que le khalyfe lui envoyait pour le consoler. Mais il mourut désespéré de n’avoir pas vaincu.

Son règne de vingt-cinq ans (976-1001), car c’est le nom de règne qui convient à son ministère, avait marqué l’apogée de la grandeur des Arabes en Espagne. Une foule de belles actions honorèrent sa vie. Quand il apprit les victoires de son fils en Afrique, il les célébra en affranchissant deux mille esclaves chrétiens et en payant les dettes de pauvres honnêtes. Il faisait toujours deux parts du butin, une pour les soldats, l’autre pour le trésor ; sa part à lui était la gloire. Il protégea les arts et attira à Cordoue des savants de l’Arabie, de la Grèce, de l’Italie. Comme on lui proposa de prendre la couronne, puisqu’il était le véritable maître de l’empire, il refusa d’être un usurpateur. Son fils ne devait pas avoir le même scrupule.