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si grand qu’il soit, est ramené, intentionnellement ce me semble, à des proportions tout humaines[1].

C’est que le poète a sans doute pris parti dans la question des origines de la légende de Rama.

Au temps où il écrivait son poème, on s’accordait en général à voir dans les aventures de Rama le récit embelli, ou plutôt allégorique, d’un grand événement historique : la conquête de l’Hindoustan par les Aryens.

Pendant que Rama exilé combat les démons qui infestent les forêts, sa femme Sita lui est enlevée par un démon plus monstrueux que les autres, nommé Ravana, qui l’emporte dans son royaume de Lanka. Rama, pour reconquérir sa femme, fait alliance avec Sugriva, roi des singes. Mais il faut d’abord découvrir la retraite de Sita. Un singe adroit, Hanumat, franchit le bras de mer qui sépare Lanka du continent et découvre Sita. Un pont est construit sur la mer, l’armée des singes envahit Lanka, Rama délivre Sita et, son exil étant fini, va régner avec elle sur son royaume héréditaire.

Voilà, réduite à ses éléments essentiels, l’histoire de Rama depuis son exil, et voilà les faits dont le récit forme plus des trois quarts du Ramayana. Or, Rama, ce serait le

conquérant aryen ; Sita, fille du sillon, ce seraient la civili-

  1. En faisant du monstre abattu par son Rama un Raksas de Lanka, Leconte de Lisle songe aussi au grand ennemi de Rama, Ravana, roi de Lanka : or le meurtre de Ravana a lui aussi un caractère merveilleux. Les combats de Rama contre Tâdaka et Soubâhou, au premier volume, combats que nous avons cités plus haut, n’ont pas ce caractère : Leconte de Lisle a combiné dans son récit ces combats-ci avec le ccmbat contre Khara.