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sation et l’agriculture ; Lanka, ce serait l’île de Ceylan, dernier refuge de la primitive population barbare ; les singes, ce seraient les indigènes soumis et ralliés.

La civilisation aurait là de singuliers répondants, objectent aujourd’hui les plus autorisés des indianistes. Qu’est-ce qui prouve, d’ailleurs, que Lanka soit l’île de Ceylan, puisque Ceylan ne s’est jamais nommée ainsi ? Bien plus, qu’est-ce qui prouve que ce soit une île ? Lanka, contrée fabuleuse où l’héroïne se dérobe aux regards anxieux, ne serait-ce pas plutôt la cachette mystérieuse de l’aurore pendant la nuit ou pendant l’hiver ? « Le lecteur sourira-t-il, demande M. Victor Henry[1], si j’écris encore une fois : « Ceci est un mythe solaire » ? Mais volontiers, ajouterai-je : « Aveugle qui ne le voit pas ! » Le héros brillant et généreux qui passe la mer sur le pont sublime du ciel, qui ne le reconnaîtrait à. ce trait seul ? Mais il y a mieux : son nom même le trahit ; râma, tout comme Krisna (nom d’un autre personnage mythique, qui est certainement, lui, une personnification du Soleil), est un adjectif qui signifie « noir » ; Rama doit retrouver Sita, comme Krisna Rukmini ; le soleil vit dans la retraite et les ténèbres, tant qu’il n’a pas reconquis l’aurore. »

Pourquoi Leconte de Lisle a-t-il dépouillé de tout caractère merveilleux le combat de Rama et du Raksas ? Sans doute parce qu’il a vu dans son héros, non un personnage mythique, mais un personnage historique, et qu’il a voulu nous reporter au moment où l’imagination des poètes

  1. Les littératures de l’Inde, p. 162.