L’eau faisait ruisseler sur leurs blanches épaules
Le trésor abondant de leurs cheveux dorés,
Comme, au déclin du jour, le feuillage des saules
S’épanche en rameaux éplorés.
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Tantôt, se défiant, et d’un essor rapide
Troublant le flot marbré d’une écume d’argent,
Elles ridaient l’azur de leur palais limpide
De leur corps souple et diligent.
Sous l’onde étincelante on sentait leur cœur battre,
De leurs yeux jaillissait une humide clarté,
Le plaisir rougissait leur jeune sein d’albâtre
Et caressait leur nudité.
Quand on a vu Molis et Nikhéa poursuivre ainsi leurs «jeux immortels » dans la source natale aux reflets de saphir, on n’a aucune peine à comprendre la vivacité de la passion d’Hylas. Mais par ce paysage, si largement traité, où les nymphes ne peuvent pas être séparées des eaux qu’elles habitent, Leconte de Lisle nous a fait sentir, en même temps, que les Grecs ont personnifié dans les nymphes une des forces mystérieuses de la nature. Et son poème en reçoit un nouveau sens. C’est une histoire tout humaine, sans doute, qu’il nous a contée : celle d’un jeune homme qui sacrifie l’amitié, la gloire et le devoir à un amour sensuel né dans un paysage voluptueux. Mais à travers cette histoire, on en peut lire, si l’on veut, une autre : celle de l’attrait irrésistible des eaux et des bois, celle de l’homme s’absorbant, s’ensevelissant dans la nature, jusqu’à oublier tout le reste.