Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/353

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même groupe la beauté de la femme et la beauté du taureau, le plus plastique des animaux.

Ce groupe est particulièrement beau à deux moments. L’un est celui où la vierge, ayant enguirlandé les cornes du taureau, vient de s’asseoir sur son dos et où l’animal se soulève de terre. L’autre est celui où le dieu nage sur les flots : la jeune fille est obligée de tenir d’une main la corne du ravisseur pour ne point tomber, et de contenir de l’autre les plis de sa robe pour que le vent ne l’enlève point ; son péplos flotte comme une voile de vaisseau ; le taureau dresse au-dessus des vagues son poitrail majestueux. C’est le premier de ces deux tableaux que Paul Véronèse nous a donné dans une toile prestigieuse, où Taine a pu dire qu’il s’était « enfoncé jusque dans les territoires inexplorés de son art ». C’est le second qu’Ovide a esquissé dans les derniers vers d’un épisode des Métamorphoses (II, 872-875) :



                                      Mediique per aequora ponti
Fert praedam. Pavet haec, littusque ablata relictum
Respicit, et dextra cornum tenet, altera dorso
Imposita est ; tremulæ sinuantur flamine vestes.


C’est le même tableau qu’avait peint avant Ovide, et bien plus largement, le poète alexandrin Moschus, dont le vers, comme celui de Théocrite, son modèle, obtenait des effets qu’on aurait cru réservés seulement aux arts plastiques :


Elle parla ainsi et s’assit en riant sur son dos. Et ses compagnes s’apprêtaient aussi à monter ; mais, brusquement, le