Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/389

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parti des trois cent quatre-vingt-cinq vers de Kolouthos, dont plus de cent cinquante forment des hors-d’œuvre. Voit-on aussi aisément le sens du poème ? Je ne sais, et peut-être est-il susceptible au moins de deux interprétations.

Hélène est d’abord un poème historique, symbolisant la lutte de deux civilisations qui se sont disputé l’âme du monde.

Un point n’est pas douteux : l’amour qui pousse l’héroïne dans les bras de Paris nous est représenté comme absolument irrésistible : c’est le destin qui veut qu’elle soit adultère, et elle le devient quoi qu’elle fasse pour s’y opposer. Or, cette force mystérieuse contre laquelle sa volonté est impuissante, qu’est-elle ? C’est d’abord l’atavisme : Hélène aime parce que sa mère a aimé, comme Oreste tue parce que son père, sa mère, ses aïeux ont tué. C’est aussi l’influence du climat, si puissante quand elle s’exerce directement, plus puissante encore quand elle s’exerce indirectement par les institutions, par les idées, par les croyances qu’elle suscite. Sur le sol amollissant de l’Asie avaient foisonné les fables voluptueuses qui divinisaient la passion et autorisaient l’adultère par l’exemple des immortels. Ces fables, les Hellènes les avaient apportées d’Asie avec eux en venant coloniser la Grèce. La femme de Ménélas a été élevée dans ces fables ; on lui en nourrit encore l’esprit : ainsi, au moment même où son poète et ses compagnes essaient, pour la retenir dans le devoir, de calmer ses nerfs par la musique, ils n’ont à lui chanter que des fables de ce genre ; comment résisterait-elle à tous ces conseils de