Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/39

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si belle. Et cependant il refuse de fuir. Que dirait le roi ? Qu’un Brahmane a volé cent mille vaches ? Qu’il a pour enfants des menteurs et des lâches ? Non, non ! mieux vaut la mort. Comme Rama, Çunaçépa s’incline devant le cruel devoir : il a promis, il tiendra.

Alors Çanta s’engage à ne pas lui survivre : si l’aurore lui paraît belle, dit-elle en s’inspirant des propos de Sita à Rama, si la verdeur de la vallée l’enivre, c’est quand il est là ; c’est par lui seul qu’elle respire et vit. Et les sanglots l’étouffent.


À ce moment, un grand oiseau qui plane vient replier ses ailes sur un palmier géant et darde sur les amants sa prunelle de feu. Puis, il se met à parler : « Je suis, dit-il, le roi des Vautours. C’est moi qui combattis jadis dans le ciel le maître de Lanka, le Raksas immortel, quand il enleva Sita, la plus belle des femmes. Je fis voler des lambeaux de sa chair, mais il me brisa l’aile. Enfants, allez trouver Viçvamitra, l’ascète. »

Pourquoi Çunaçépa ne va-t-il pas de lui-même trouver l’anachorète, comme dans l’épisode du Ramayana ? Pourquoi cette intervention du grand oiseau ? Parce que Leconte de Lisle, après avoir enrichi l’histoire de son héros d’une scène d’amour qui ressemblait aux adieux de Sita et de Rama, a voulu y ajouter un épisode qui rappelât le merveilleux du Ramayana. Dans le Ramayana, en effet, la vie des animaux est sans cesse associée à celle des héros : c’est l’armée des Singes, on se le rappelle, qui délivre Sita, et, quand Sita est enlevée, le roi des Vautours lui vient en