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propre chair. » Leconte de Lisle a supprimé cet épisode qui lui paraissait peu explicable. En revanche, chez lui, l’anachorète ne donne pas à Çunacépa la recette mystérieuse qui le sauvera, sans avoir essayé de le convaincre qu’il est doux de rentrer dans le néant : mourir, explique-t-il, c’est sortir du monde obscur des sens et de la passion, c’est voir s’envoler comme un peu de vapeur la colère, l’amour, le désir et la peur ; c’est voir s’écrouler comme un monceau de sables le monde illusoire forgé par la Mâyâ. Çunacépa en convient, et Viçvamitra lui paraît parler comme un sage. Mais que le vieillard regarde Çanta, cette fleur des bois dont l’air est tout embaumé, sans doute alors il comprendra de lui-même que le jeune homme ne veuille pas mourir encore.

L’ascète n’est pas ému pour cela. — Va, dit-il, le monde est un songe, l’homme n’a qu’un jour,


Et le néant divin ne connaît pas l’amour.


Alors, Çanta tombe à ses pieds, s’adresse à son cœur, implore sa pitié, pousse des cris de détresse, et le vieil ermite, entendant chanter l’oiseau de ses jeunes années réveillé par cette fraîche voix, donne la formule qui délivrera la victime au moment du sacrifice : que Çunacépa la récite, et s’il tient à souffrir encore, il vivra.

Ainsi, l’entrevue de Çunacépa et de Viçvamitra a été longuement développée par Leconte de Lisle, s’écartant sans doute en cela du récit qu’on lit au premier tome du Ramayana, mais s’inspirant de tant d’autres épisodes du poème où des anachorètes prêchent leur doctrine. Sans