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LES SUCCESSEURS DE CARNÉADE. — PHILON.

gustin prête les mêmes arrière-pensées à Arcésilas et à Carnéade[1] et nous avons vu qu’il se trompe. Il faut se souvenir d’ailleurs qu’il présente cette idée comme une conjecture personnelle, non comme une donnée certaine.

Enfin, Philon lui-même, chez Cicéron, se rattache à Platon et déclare qu’il n’y a eu qu’une seule Académie. Mais qu’on y prenne garde ! Platon est à ses yeux un sceptique ; comme Socrate il se garde de jamais rien affirmer. S’il n’y a eu, selon Philon, qu’une seule Académie, c’est une Académie sceptique ; ce n’est pas la nouvelle qu’il ramène à l’ancienne, c’est l’ancienne qu’il absorbe dans la nouvelle.

Dans les deux livres des Académiques, qui sont arrivés jusqu’à nous, Philon nous est toujours présenté comme un probabiliste. Cicéron, dans sa lettre d’envoi à Varron[2] déclare qu’il s’est fait le porte-parole de Philon ; or, Cicéron se donne toujours pour probabiliste. Et si Philon avait renouvelé le dogmatisme de Platon, comment comprendre qu’Antiochus ait pu lui reprocher de dire des choses inouïes jusqu’ici dans l’Académie ? Comment comprendre qu’il l’ait si âprement combattu, lui qui avait justement la prétention de restaurer le platonisme ?

Nous n’avons malheureusement pas le IIe livre de la deuxième rédaction des Académiques, où, suivant la très plausible conjecture de Krische[3], était exposée en détail la doctrine de Philon, tandis que le troisième et le quatrième correspondaient à peu près au Lucullus que nous avons. Mais le fait même que Cicéron, plaidant pour Philon, répond à Varron, défenseur d’Antiochus, montre bien que Philon ne professait pas une théorie analogue à celle de Platon. Et quand, dans le Lucullus, Cicéron, après avoir exposé les théories sceptiques de Carnéade et de Clitomaque, s’écrie[4] : « Tout ce que je dis, Antiochus l’a appris à l’école de Philon, » comment supposer qu’il y ait de grandes

  1. Voy. ci-dessus, p. 117.
  2. Ad famil. IX, viii, 1.
  3. Op. cit., p. 180.
  4. II, xxii, 69.