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Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/240

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LIVRE III. — CHAPITRE I.

on voit que Ptolémée n’est séparé d’Ænésidème que par Sarpédon et Héraclide, qui furent tous deux ses disciples. On va aussi loin que possible en admettant avec Haas qu’il vécut vers 150-120 av. J.-C. Mais d’autre part, Eubulus n’est séparé de Timon que par deux générations : il ne peut guère avoir dépassé l’an 135 av. J.-C. Il est donc impossible que Ptolémée ait été, comme le dit Diogène, disciple d’Eubulus. Remarquons d’ailleurs que Diogène parle en son nom, et cesse, en nommant le disciple d’Eubidus, d’invoquer les témoignages de Ménodote ou de Sotion. Il y a donc eu, avant Ptolémée, une éclipse de l’école sceptique.

Ce calcul, en ce qu’il a d’essentiel, n’est contesté par personne. Cependant, Haas s’est ici séparé de l’opinion commune des historiens. Il y a bien une lacune suivant lui ; mais elle s’est produite après Ænésidème. Quant à la période qui nous occupe, il estime que le scepticisme n’a pas disparu, mais qu’il a cessé seulement de porter un nom distinct, et qu’il s’est confondu avec la nouvelle Académie. Bien que Timon ait eu des mots durs pour Arcésilas[1], il aurait fini par s’entendre avec lui, et Arcésilas serait son véritable continuateur. Les sceptiques auraient fraternisé avec les nouveaux académiciens et fait cause commune avec eux contre les stoïciens. Ce n’est que plus tard, quand Carnéade introduisit dans la doctrine des modifications qui en altéraient la pureté, que Ptolémée de Cyrène aurait dénoncé l’alliance, et recommencé à faire bande à part.

Cette interprétation, ingénieuse jusqu’à la subtilité, ne nous satisfait pas. Que ce soit pour une raison ou pour une autre, il demeure acquis que l’école sceptique a cessé pendant un temps d’avoir une existence distincte. Il faut appeler les choses par leur nom, et cela s’appelle une éclipse. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’examiner les rapports du pyrrhonisme et de la nouvelle Académie, et de voir si à aucune époque, ils ont été aussi étroits que le croit Haas. Enfin un des maîtres de la secte nous

  1. Diog., IX, 114, 115