Page:Victor Brochard - Les Sceptiques grecs.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
DIVISION DE L’HISTOIRE DU SCEPTICISME.

du scepticisme. La manière dont les derniers sceptiques parlent de lui, le fait qu’ils le mettent sur le même rang que Pyrrhon et Timon attestent qu’ils ne voyaient pas en lui un homme ordinaire. Mais surtout l’étude de ses arguments si vigoureux et si profonds, d’un esprit scientifique si rare dans l’antiquité, nous montre en lui un philosophe de premier ordre.

Nous trouvons bien plus d’analogies entre Ænésidème et les derniers sceptiques qu’entre le même philosophe et les premiers. S’il fallait à tout prix conserver la distinction entre les anciens et les nouveaux sceptiques, en dépit du témoignage de Sextus et des arguments rappelés ci-dessus, nous n’hésiterions pas à nous rallier à l’opinion commune qui voit dans Ænésidème le premier des nouveaux sceptiques.

Mais est-il nécessaire de conserver cette division ? Elle n’a pas grande valeur historique, et n’est indiquée que deux fois en passant par Sextus, qui ne semble pas y attacher lui-même beaucoup d’importance. S’il compte Ænésidème parmi les anciens sceptiques, comme nous croyons qu’il faut l’accorder à Haas, c’est sans doute pour une raison chronologique, ou parce qu’il a été frappé des différences, d’ailleurs très réelles, qui distinguent sa propre doctrine de celle d’Ænésidème. Mais a-t-il tenu un compte suffisant de la différence qui sépare Ænésidème de Pyrrhon et de Timon ? À la distance où il se trouvait de ces philosophes, il n’était pas bien facile à Sextus de la mesurer exactement ; peut-être ne s’en préoccupa-t-il guère. Enfin Pyrrhon n’avait rien écrit ; il est probable que Sextus ne connaissait les anciens sceptiques que par les écrits mêmes d’Ænésidème ; il ne devait donc pas faire de distinction entre eux.

Pour toutes ces raisons, nous croyons qu’on peut sans inconvénient abandonner l’ancienne division entre les anciens et les nouveaux sceptiques, et s’en tenir à une distinction nouvelle, fondée sur les caractères intrinsèques des doctrines. Cette division comprendrait trois périodes, correspondant à trois aspects bien tranchés de la doctrine sceptique.

La première est celle de Pyrrhon et de Timon. Elle a pour