Page:Vidocq - Mémoires - Tome 2.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et le plus intrépide. Les plus malins briguaient mon amitié, parce qu’ils pensaient qu’il y avait encore quelque chose à apprendre avec moi, et les plus novices recueillaient mes paroles comme des instructions dont ils pourraient faire leur profit. À Bicêtre, j’avais véritablement une cour, on se pressait autour de ma personne, on m’entourait, c’était des prévenances, des égards, dont on se ferait difficilement une idée…

Mais maintenant toute cette gloire des prisons m’était odieuse ; plus je lisais dans l’âme des malfaiteurs, plus ils se mettaient à découvert devant moi, plus je me sentais porté à plaindre la société de nourrir dans son sein une engeance pareille. Je n’éprouvais plus ce sentiment de la communauté du malheur qui m’avait autrefois inspiré ; de cruelles expériences et la maturité de l’âge m’avaient révélé le besoin de me distinguer de ce peuple de brigands, dont je méprisais les secours et l’abominable langage. Décidé, quoi qu’il en pût advenir, à prendre parti contre eux dans l’intérêt des honnêtes gens, j’écrivis à M. Henry pour lui offrir de nouveau mes services, sans autre condition que de ne pas être reconduit au bagne, me résignant à finir mon temps dans quelque prison que ce fût.