Page:Vidocq - Mémoires - Tome 3.djvu/108

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cane la pégrène (crève de faim), on rigole pas (on ne rit pas).

— » Caner la pégrène ! c’est un peu fort, toi qui passe pour un ami (voleur).

— » C’est pourtant comme ça.

— » Allons, viens que nous buvions une chopine chez Niguenac ; j’ai encore vingt Jacques (sous), il faut les tortiller (manger). »

Il m’emmène chez le marchand de vin, demande une cholette (un demi-litre), me laisse seul un instant, et revient avec deux livres de pommes de terre : « Tiens, me dit-il, en les déposant toutes fumantes sur la table, en voilà des goujons pêchés à coups de pioche dans la plaine des Sablons, ils ne sont pas frits ceux-là.

— » C’est des oranges, si tu demandais du sel…

— » De la morgane ! mon fils, ça coûte pas cher ».

Il se fait apporter de la morgane, et bien qu’une heure auparavant j’eusse fait un excellent dîner chez Martin, je tombai sur les pommes de terre, et les dévorai comme si je n’eusse pas mangé de deux jours.

« C’est affaire à toi, me dit-il, comme tu joues des dominos (des dents), à te voir, on