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DERNIÈRES ANNÉES.

lui apportait, et c’est lui qui consolait les autres de ses souffrances. « Je suis aveugle, disait-il, mais je suis heureux[1] ! »

C’était le soir d’un beau jour !

    « … Sous des régimes bien divers, parfois au milieu de circonstances difficiles, j’ai occupé, durant quarante-huit années, la position que je quitte aujourd’hui. Depuis 1835, époque de la mort du vénérable Desfontaines, je suis le doyen des Professeurs du Muséum, et le seul qui ait fait partie de l’organisation primitive de l’établissement.

    « Vous verrez, Monsieur le Ministre, dans le parti que je prends, une preuve nouvelle, et ce n’est pas la moindre, de mon dévouement à l’établissement que j’ai si longtemps administré. Je ne saurais quitter, sans un sentiment pénible, une position que j’occupe depuis près d’un demi-siècle, et que j’ai préféré, à mon retour d’Égypte, et plus tard encore, à des offres brillantes, plus propres à satisfaire mon ambition que mon amour pour la science. Aujourd’hui mes soixante-neuf ans, mes yeux cataractés, et les fatigues de mes longues recherches, me font sentir que je dois réserver, pour quelques travaux particuliers, ce qui me reste de force… »

  1. Nous avons sous les yeux une des dernières lettres qu’il ait écrites : elle est adressée à une dame à laquelle il avait voué, dans sa jeunesse, une amitié qui ne s’est jamais démentie. Nous en citerons quelques lignes :

    « Causons sur la fin de nos jours, comme nous faisions à leur aurore. Le temps retient nos corps malades à la maison ; mais le cœur ne connaît point de difficultés.

    « … Dieu a voulu cette douleur pour racheter l’excès de ma bien vive satisfaction… Soyons reconnaissants des faveurs de la Providence ! »

    Voilà quelles pensées remplissaient le cœur de Geoffroy Saint-Hilaire aveugle et paralytique !