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Comment se dénoua le génie de la nation ? où parut la première lumière de l’esprit moderne ? où se leva la poésie ? C’est là, Messieurs, que les savantes recherches de M. Raynouard offrent, avec une incontestable vérité, l’intérêt le plus vif et le plus nouveau. Cette langue romane, dont il avait indiqué la naissance collective sur tous les points des Gaules, il la suit, il la considère dans le Midi ; c’est là qu’il aperçoit toute cette population de poëtes connus sous le nom de troubadours ; là se découvre toute une littérature ingénieuse dans ses formes, vive image du temps et pleine de précieux souvenirs qu’a négligés l’histoire.

Les causes de ce développement prématuré de la langue provençale se rattachent, comme toujours, à l’état de la société. Pendant que la France du Nord était livrée à des dominations dures et violentes, et souvent ravagée par des ennemis, le Midi avait été plus paisible, plus industrieux, plus riche, d’abord sous les rois d’Arles, puis sous les comtes de Provence. Près de deux cents ans s’étaient écoulés sans invasions de barbares, sans guerres sanglantes. La féodalité régnait là comme ailleurs, mais une féodalité plus douce. Ces cruautés épouvantables et, pour ainsi dire, naturelles dans l’esprit du temps,