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très-rapide dans mon exposition sur une partie de cette littérature. Il en est une autre, non moins curieuse et plus sévère.

Qu’étaient les troubadours ? Des hommes de guerre, pour la plupart ; quelques-uns, des seigneurs de châteaux ; d’autres, des gens d’esprit du temps, qui, animés par leur nature musicale de méridionaux, favorisés par cette langue sonore et métallique, et redisant avec verve la pensée populaire, tour à tour attaquaient ou célébraient dans leurs chansons les seigneurs du voisinage, tantôt les invitaient à la paix, tantôt les excitaient à la croisade, parfois même insultaient toutes les puissances de l’État et de l’Église. La poésie provençale, c’était, pour ainsi dire, la liberté de la presse des temps féodaux ; liberté plus âpre, plus hardie et moins réprimée que la nôtre.

Je pourrais vous en citer des exemples vraiment incroyables. Le savant M. Raynouard en a reproduit plusieurs dans son beau Recueil des poésies romanes. Il en est d’autres devant lesquelles il s’est arrêté par une sorte de discrétion et de réserve qui remontait à six siècles en arrière ; il les a laissés, sous l’idiome provençal, ensevelis dans les 25 in-folio manuscrits de M. de Sainte-Palaye.