Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/34

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core informe du langage ; on sent un idiome tout jeune, qui raconte des choses nées en même temps que lui. Joinville, enfin, dans son récit trop court, se montre admirateur si sincère de saint Louis, que, la passion donnant à son style une inimitable vérité, il est le témoin le plus fidèle de son temps, et sera relu dans tous les temps. Mais la puissance communicative du génie n’est pas encore attachée à de tels écrits ; c’est une image heureuse de l’esprit d’alors ; ce n’est pas une œuvre créée. La langue des troubadours, plus répandue que celle des trouvères, par sa communication naturelle avec l’Espagne, n’avait pas produit non plus un de ces grands ouvrages qui dominent les siècles. Sans doute le Romancero du Cid est une brillante épopée du hasard et du génie populaire. Cette foule de romances inspirées dans le xiiie et dans le xive siècle offrent quelques beautés que nous traduirons ; mais il n’y a point là l’oeuvre unique d’un grand génie. C’est l’esprit espagnol, et non pas un homme né de l’Espagne, mais supérieur à elle et qui l’élève à sa suite. Il faut chercher ailleurs ; il faut regarder l’Italie ; c’est là que s’allumera le premier flambeau du génie européen ; c’est là que, pour la première fois, l’antiquité sera égalée, et que la puissance créatrice d’Ho-