Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/41

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cette occasion, vous faire connaître quelque chose qui n’a jamais été cité nulle part, même en Italie, et que l’on ne trouve ni dans Muratori, ni dans Tiraboschi, ni dans Baronius.

Bien avant l’époque du Dante, un jour, dans la petite ville d’Arezzo, le pape Nicolas II étant présent, un cardinal était monté en chaire et avait prêché. Ce cardinal avait alors cinquante ans ; il était petit de taille ; ses yeux brillaient, animés d’un feu ardent et sombre qui faisait trembler les pécheurs ; ses cheveux encore tout noirs donnaient aux traits de son visage, déjà vieilli, quelque chose de plus viril et de plus dur. Sa parole était révérée du peuple ; il passait dès lors pour un saint homme, et tous les évêques de l’Italie tremblaient devant son pouvoir : c’était Grégoire VII, qui n’était encore que l’archidiacre Hildebrand.

Voici ce qu’il dit. Vous allez y retrouver peut-être l’inspiration du Dante. Pourquoi remonter si haut ? C’est qu’un homme de génie ayant prêché une semblable chose, elle dut être répétée, commentée, grossie, altérée par l’imagination populaire, et, dans son cours, se chargeant de mille accessoires, devenir une vaste légende, qu’ensuite un autre homme de génie ressaisit, et qu’il élève à toute la hauteur de la