Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/43

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sur cette échelle, à la longue, par une loi inévitable, ils allaient tous, l’un après l’autre, au fond de l’abîme.

Le saint homme qui regardait ces choses, demandant la cause de cette horrible damnation, et surtout pourquoi était puni ce comte, son contemporain, qui avait vécu avec tant de justice, de décence et de probité, une voix répondit : « À cause d’un domaine de l’église de Metz, qu’un de leurs ancêtres, dont celui-ci est l’héritier au dixième degré, avait enlevé au bienheureux Étienne, tous ceux-ci ont été dévoués au même supplice ; et, comme le même péché d’avarice les avait réunis dans la même faute, ainsi le même supplice les a rassemblés pour les feux de l’enfer. »

Eh bien, maintenant que vous avez dans la pensée ces dix échelons, ce noviciat progressif de l’enfer, ne vous semble-t-il pas qu’un tel récit, que des récits analogues, partis d’abord de cette bouche terrible qui faisait trembler les rois, et de cette chaire pleine d’anathèmes, circulant avec toutes les variantes de la foule effrayée, devaient tôt ou tard déposer dans l’âme d’un homme de génie le germe de ce plan extraordinaire et sublime, où neuf cercles infernaux étalent sous les yeux du poëte une continuelle progression de supplices ?

Le temps me manquerait pour parcourir toutes les parties de la rapide esquisse que je me proposais. Le génie du Dante est distinct et séparé de tout ce qui l’entoure. Rien ne le pré-