Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/73

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langue par son extension même ; influence du christianisme, qui précipite à la fois cet accroissement et cette décadence.

Une autre cause toute-puissante vient bientôt s’y mêler ; c’est l’invasion des barbares en Gaule, en Espagne, en Italie. Vers le ive et le ve siècle, débordent tout à coup, dans les pays civilisés par les Romains, des peuples féroces, massacrant tout devant eux, s’établissant là où ils ont tué, et se faisant servir par le reste des vaincus. Il semble que l’ancienne langue, l’ancienne civilisation auraient dû céder à ces maitres nouveaux. Mais il arrivait ce que l’on a vu se renouveler dans la Chine conquise par les Tartares, et même dans la Grèce du Bas-Empire asservie par les Turcs. Les vainqueurs ignorants se servaient de l’esprit des vaincus, et leur laissaient leur idiome et leurs usages. Ainsi, dans cette Grèce sur laquelle ont passé un si grand nombre de populations barbares et cruelles, le fond de la langue antique a été conservé par la religion, malgré l’ignorance où est tombé le peuple indigène. Les Romains du ive siècle, par l’ascendant de leur religion et de leur supériorité morale, conservèrent aussi leur langue. Ils la firent même adopter par leurs maîtres nouveaux. Mais comme les maîtres ont toujours raison par quel-