Page:Villemain - Cours de littérature française, tome 1.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mité supposerait la méthode même, dont l’absence est attestée par la corruption de l’ancienne langue. On conçoit très-bien qu’un idiome écrit et littéraire s’impose à une grande diversité de peuples, parce que le type est toujours présent ou reconnaissable. On le regarde, et on l’imite. Mais quand une langue n’est que parlée, comment est-il possible qu’elle soit parlée uniformément à deux cents lieues de distance ? Dira-t-on que, dans un certain état social, il a dû exister, pour l’esprit humain, des procédés naturels et spontanés qu’il appliquait à un nouveau langage ? Oui, pour le but, c’est-à-dire la simplicité mais non pour la forme, qui a dû varier souvent. Je conçois fort bien au Nord ou au Midi plusieurs populations travaillant, par un instinct d’ignorance et de nécessité, à déconstruire cette belle langue latine, abrégeant les mots, supprimant les désinences mobiles qu’ils ne savent plus employer, étayant la phrase par des termes auxiliaires. L’intention sera toujours la même, mais non l’accident. Ici on gardera un cas plutôt que l’autre ; ici on supprimera telle voyelle, et là telle autre ; ici on dira domnus, comme du temps même de saint Ambroise ; ailleurs Dotmine, Dom, Don, Dueno ; car le hasard ne saurait être uniforme.