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Venons à d’autres faits particuliers. Vous supposez cette universalité primitive de la langue romane, comme l’intermédiaire entre le latin et les trois ou quatre langues qui se partagent aujourd’hui l’Europe latine. Les monuments contemporains manquent. Que nous reste-t-il pour discuter ? Il nous reste l’êtat actuel de ces langues. Si une de ces langues est encore maintenant plus près de la langue latine que ne l’est cette langue romane, j’en conclus qu’elle n’a point passé par elle ; car les langues ne remontent pas quand elles ont commencé à s’altérer, elles continuent. Un exemple suffira. Je vous fais grâce des autres ; car l’ennui est un obstacle à la clarté. Du mot latin tenere, le roman provençal faisait tenia à l’imparfait ; l’Italien dit teneva. N’est-il pas vraisemblable que teneva est directement venu de tenebat, sans traverser tenia ?

Si vous prenez beaucoup d’autres mots, vous trouverez que, dans les langues espagnole et italienne, ils n’ont subi qu’un léger changement, parce detorta, et se sont conservés plus près du latin que dans la langue romane ; ce qui prouve qu’elle ne leur a pas servi de communication et de passage.

Mais le savant auteur de la grammaire romane produit des faits curieux, qui semblent